Il était trois petits enfants,
Qui s’en allaient glaner aux champs.
Ils sont tant allés et venus
Que le soleil on n’a plus vu.
S’en sont allés chez un boucher :
« Boucher, voudrais-tu nous loger ? »
- « Allez, allez, mes beaux enfants,
Nous avons trop d’empêchement. »
Sa femme, qu’était derrière lui,
Bien vitement le conseillit :
« Ils ont, dit-elle, de l’argent,
Nous en serons riches marchands. »
Entrez, entrez, mes beaux enfants !
Y a de la place assurément.
Nous vous ferons fort bien souper,
Aussi bien blanchement coucher. »
Ils n’étaient pas sitôt entrés,
Que le boucher les a tués,
Les a coupés tout par morceaux,
Mis au saloir comme pourceaux.
Quand ce fut au bout de sept ans,
Saint Nicolas vint dans ce champ.
Il s’en alla chez le boucher :
« Boucher, voudrais-tu me loger ? »
« Entrez, entrez, Saint Nicolas !
De la place, il n’en manque pas. »
Il n’était pas sitôt entré,
Qu’il a demandé à souper.
« Voul’ous un morceau de jambon ? »
- « Je n’en veux pas, il n’est pas bon. »
- « Voulez-vous un morceau de veau ? »
- « Je n’en veux pas, il n’est pas beau.
« De ce salé je veux avoir,
Qu’y a sept ans qu’est dans le saloir. »
Quand le boucher entendit ça,
Hors de sa porte il s’enfuya.
« Boucher, boucher, ne t’enfuis pas !
Repens-toi, Dieu te pardonn’ra. »
Saint Nicolas posa trois doigts
Dessus le bord de ce saloir.
Le premier dit : « J’ai bien dormi ! »
Le second dit : « Et moi aussi ! »
A ajouté le plus petit :
« Je croyais être en paradis ! »