Vie de Saint Nicolas


Saint Nicolas naquit vers 250 à Patare, ville de Lycie, qui est une province de l’Asie Mineure. Euphémius, homme riche, mais extrêmement pieux et charitable, fut son père, et Anne, sœur de Nicolas l’ancien, archevêque de Myre, fut sa mère. Il ne vint au monde que quelques années après leur mariage et lorsqu’ils n’espéraient plus avoir d’enfants.

La légende rapporte que lorsqu’à sa naissance on le mit dans le bassin, pour le laver, il se leva de lui-même sur ses pieds et se tint en cet état pendant deux heures, les mains jointes et les yeux élevés vers le ciel ; qu’il commença à jeûner dès le berceau ; car, le mercredi et le vendredi, qui étaient les jours d’abstinence et de jeûne dans l’Eglise orientale, il ne tétait qu’une fois vers le soir au lieu de plusieurs fois par jour.

VIE ET MIRACLES
Il reçut une excellente éducation, tant par l’étude des sciences divines et humaines, que par la pratique de toutes les vertus. Mais la peste lui ayant enlevé ses parents dès sa plus tendre jeunesse, il commença à se défaire des biens que son père et sa mère lui avaient laissés. Ce fut à cette époque qu’il fit cette action donnant naissance à la légende des trois jeunes filles : un jour, étant averti qu’un des plus nobles habitants de sa ville, qui n’avait pas le moyen de pourvoir ni même de nourrir ses trois filles nubiles, était dans le dessein de les prostituer, il résolut d’empêcher cet infâme commerce, en lui donnant du bien suffisamment pour les marier. Il voulut néanmoins le faire secrètement et sans être découvert.
Ainsi, prenant la nuit une bourse remplie de pièces d’or, il l’alla jeter dans la chambre de cet homme, par une fenêtre qu’il trouva heureusement ouverte, et cette somme ayant servi à marier honnêtement l’aînée des filles, il en fit de même pour la seconde et ensuite pour la troisième. On ne peut croire l’étonnement du père, lorsqu’il vit la première et la seconde fois les soins que la divine Providence avait de sa famille ; mais il voulut savoir qui était son bienfaiteur ; il veilla pour le découvrir et, l’ayant reconnu lorsqu’il revint la troisième fois, il se jeta à ses pieds, reconnut sa culpabilité et fit vœu de pénitence. Saint Nicolas le pria instamment de tenir son action secrète ; mais ses prières furent inutiles, toute la ville en fut informée et le bruit s’en répandit en peu de temps dans toute la province.
Son oncle, l’archevêque de Myre, admirant de plus en plus la vertu et la sainteté de son neveu, l’ordonna prêtre et le fit supérieur d’un monastère appelé la Sainte-Sion, qu’il avait fait bâtir auprès de la ville métropolitaine, et, ayant remarqué avec combien de sagesse il s’acquittait de cette charge, il lui confia le soin de tout son diocèse pendant un voyage de piété qu’il fit en Terre sainte. Sa mort étant arrivée peu de temps après son retour, Nicolas pensa un moment se retirer dans le désert, mais opta pour un voyage en Terre sainte, prenant congé de ses religieux et s’embarquant. En chemin, il prédit au pilote une horrible tempête, qui survint et fut si furieuse que tous les passagers se crurent perdus ; mais Nicolas rendit le calme à la mer.

Durant sa vie, il renouvela plusieurs fois cet exploit, expliquant ainsi pourquoi les nautoniers le prennent pour leur patron et leur protecteur, et l’invoquent singulièrement dans tous leurs voyages. Dans le vaisseau, il ressuscita également un jeune garçon qui s’était tué en tombant du haut du mât. On dit qu’à Alexandrie il guérit un grand nombre de malades que les habitants lui présentèrent, sur les assurances que ceux de son vaisseau leur avaient données. Parvenu à Jérusalem, il se rendit sur les lieux saints, avant d’entreprendre le voyage de retour.

Le successeur de l’oncle de saint Nicolas venant à mourir, les évêques de la province s’assemblèrent pour élire un pasteur en sa place. Leurs sentiments sur ce choix étaient d’abord partagés, quand le plus ancien d’entre eux eut une révélation : le prêtre qui viendrait le lendemain le premier à l’église serait l’archevêque tant attendu. Il se posta le matin à la porte de l’église, et ce fut Nicolas qui s’y dirigea dès l’aube et y entra le premier. L’évêque, s’approchant de lui, lui demanda son nom, ce à quoi le Saint répondit : « Nicolas, serviteur de Votre Sainteté ». Alors les évêques, l’ayant revêtu de brillants ornements, l’installèrent dans le siè épiscopal. Il devenait ainsi archevêque de Myre. Après la messe pontificale, une femme lui présenta son enfant qui, tombé dans le feu, y était mort. Faisant sur lui le signe de la croix, Nicolas le ressuscita en présence de toute l’assemblée : d’où la coutume d’invoquer saint Nicolas dans les accidents de feu.

S’il avait jeûné deux fois la semaine dès le commencement de sa vie, il avait ajouté un troisième jeûne aux deux précédents, avec l’abstinence de chair et de vin ; une fois évêque, il se fit une loi de jeûner tous les jours, de ne manger que le soir et de n’avoir ordinairement sur sa table qu’un seul mets. Son lit n’était qu’une natte, une planche ou la terre nue. L’empereur Licinius, ayant renouvelé en Orient la persécution de Dioclétien et de Maximien, envoya des officiers à Myre pour y rétablir l’idolâtrie et forcer les chrétiens, par toutes sortes de supplices, de l’embrasser. Les uns furent mis à mort, les autres jetés dans des cachots, ceux-ci envoyés en exil et ceux-là dépouillés de tous leurs biens et réduits à la dernière misère. Jeté en prison, saint Nicolas ne plia pas et fut relâché par crainte d’un soulèvement populaire.
Sous Constantin le Grand, qui vainquit Licinius (324) et fit cesser la persécution, Nicolas revint à Myre et s’attacha à exterminer le culte des faux dieux, fit abattre les idoles, démolir les temples, couper les arbres et ruiner les bocages qui leur étaient dédiés ; lui-même prit la cognée en main et coupa en sept coups un arbre d’une prodigieuse grandeur, où Diane était honorée.

La légende rapporte que le démon, furieux, prépara alors une huile contre nature possédant la propriété de brûler dans l’eau et sur les pierres. Puis, prenant la forme d’une religieuse, il monta dans une barque, accosta des pèlerins qui naviguaient vers saint Nicolas, et leur dit : « Je regrette de ne pas pouvoir vous accompagner auprès du saint homme. Veuillez du moins, en souvenir de moi, enduire de cette huile les murs de son église et de sa maison ! » Mais voici que, la barque du démon s’étant éloignée, les pèlerins virent s’approcher d’eux une autre barque avec, à son bord, Nicolas. Et celui-ci leur dit : « Cette femme, que vous a-t-elle dit et que vous a-t-elle donné ? » Les pèlerins lui racontèrent ce qui s’était passé. Alors il leur dit : « Cette femme n’est pas une religieuse mais l’impudique Diane elle-même ; et, si vous en voulez une preuve, jetez son huile à la mer ! » A peine l’eurent-ils jetée qu’elle s’enflamma.

Nicolas soutint les décisions du concile de Nicée (325) avec force, accomplissant des miracles devenus légendaires. On dit qu’il ressuscita à Myre deux jeunes écoliers de qualité qu’un hôtelier avare et cruel avait égorgés et serrés dans un saloir, afin de profiter de leur argent et de leur corps. D’autres disent qu’il en ressuscita trois sur le chemin de Nicée, qu’un méchant homme avait traités avec la même barbarie et dont il vendait la chair hachée comme de la viande commune. Ces deux prodiges, néanmoins, n’ont aucun témoignage dans l’antiquité ; nous n’avons que la tradition des peuples pour nous en assurer. Peut-être aussi que ce n’a été qu’un seul miracle rapporté différemment par divers auteurs.

La province de Lycie et la ville de Myre étant affligées d’une très grande disette de blé qui les réduisait à une extrême famine, Nicolas sut qu’un riche marchand en avait plusieurs vaisseaux chargés dans un port de Sicile. Il lui apparut donc en songe et l’avertit de faire voile vers Myre, l’assurant que la nécessité y était excessive et qu’il y vendrait son grain tout ce qu’il voudrait, et, de peur qu’il ne crût que c’était une illusion, il lui mit dans la main trois pièces d’or. Le marchand, les trouvant sur lui à son réveil et voyant bien que personne n’était entré dans sa chambre, crut à cette vision. Aussi il s’embarqua, porta son blé au port de Myre, le vendit à très haut prix et, en gagnant beaucoup, il soulagea extrêmement la ville.
D’autres marchands, passant par le même port pour porter des blés à Constantinople, le Saint les pria d’en décharger une partie pour son peuple. Ils répondirent que cela leur était impossible, parce qu’ils devaient tout rendre à Constantinople exactement et par mesure. Mais il les assura que quelque quantité qu’ils lui laisseraient, ils trouveraient toujours leur compte où ils allaient : ils vendirent une partie de leur blé à Myre, et lorsqu’ils furent arrivés à Constantinople, ils trouvèrent sans aucune diminution toute la quantité qu’ils avaient chargée en l’embarquant.
D’ailleurs, le Saint multiplia si prodigieusement les blés qu’il avait fait venir et achetés, que ce qui n’aurait suffi à son peuple que pour quelques jours, se trouva suffisant pour plus de deux années.

Etant un jour aux portes de Myre avec Népotien, Ours, et Apilion, trois maîtres de camp envoyés par l’empereur Constantin qui avaient été arrêtés en chemin par un vent contraire et fait relâche dans un port du diocèse de saint Nicolas, ce dernier les invita à dîner chez lui. Apprenant qu’on allait faire mourir contre toute sorte de justice trois honorables habitants que le président Eustache, corrompu par argent, avait condamnés à mort, le Saint pria ses hôtes de l’accompagner, et, accourant avec eux sur le lieu où devait se faire l’exécution, trouva les trois soldats déjà à genoux et la face voilée, le bourreau brandissant déjà son épée au-dessus de leurs têtes. On raconte qu’aussitôt Nicolas, enflammé de zèle, s’élance bravement sur ce bourreau, lui arrache l’épée des mains, délie les trois innocents, et les emmène, sains et saufs, avec lui.

Puis il court au prétoire du consul, et en force la porte, qui était fermée. Bientôt le consul vient le saluer avec empressement. Mais le saint lui dit, en le repoussant : « Ennemi de Dieu, prévaricateur de la loi, comment oses-tu nous regarder en face, tandis que tu as sur la conscience un crime si affreux ? » Et il l’accabla de reproches, mais, sur la prière des princes, et en présence de son repentir, il consentit à lui pardonner. Après quoi les messagers impériaux, ayant reçu sa bénédiction, poursuivirent leur route, et soumirent les révoltés sans effusion de sang ; et ils revinrent alors vers l’empereur, qui leur fit un accueil magnifique.
Mais quelques-uns des courtisans, jaloux de leur faveur, corrompirent le préfet impérial, qui, soudoyé par eux, accusa ces trois princes, devant son maître, du crime de lèse-majesté. Aussitôt l’empereur, affolé de colère, les fait mettre en prison et ordonne qu’on les tue, la nuit, sans les interroger. Informés par leur gardien du sort qui les attend, les trois princes déchirent leurs manteaux et gémissent amèrement ; mais soudain, l’un d’eux, à savoir Népotien, se rappelant que le bienheureux Nicolas a naguère sauvé de la mort, en leur présence, trois innocents, exhorte ses compagnons à invoquer son aide.
Et en effet, sur leur prière, saint Nicolas apparut cette nuit-là à l’empereur Constantin, lui disant : « Pourquoi as-tu fait arrêter injustement ces princes, et les as-tu condamnés à mort tandis qu’ils sont innocents ? Hâte-toi de te lever et fais-les remettre en liberté au plus vite ! Sinon, je prierai Dieu qu’il te suscite une guerre où tu succomberas, et tu seras livré en pâture aux bêtes ! » Et l’empereur : « Qui es-tu donc, toi qui, entrant la nuit dans mon palais, oses me parler ainsi ? » Et lui : « Je suis Nicolas, évêque de la ville de Myre » Et le saint se montra de la même façon au préfet, Ablave, qui avait le plus appuyé leur condamnation et qu’il épouvanta en lui disant : « Insensé, pourquoi as-tu consenti à la mise à mort de trois innocents ? Va vite travailler à les faire relâcher ! Sinon, ton corps sera mangé de vers et ta maison aussitôt détruite. » Et le préfet : « Qui es-tu donc, toi qui me fais de telles menaces ?" Et lui : « Sache, dit-il, que je suis Nicolas, évêque de la ville de Myre ! »
L’empereur et le préfet, s’éveillant, se firent part l’un à l’autre de leur songe, et s’empressèrent de mander les trois prisonniers. « Etes-vous sorciers, leur demanda l’empereur pour nous tromper par de semblables visions ? » Ils répondirent qu’ils n’étaient point sorciers, et qu’ils étaient innocents du crime qu’on leur reprochait. Alors l’empereur : « Connaissez-vous, leur dit-il, un homme appelé Nicolas ? » Et eux, en entendant ce nom, levèrent les mains au ciel, et prièrent Dieu que, par le mérite de saint Nicolas, il les sauvât du péril où ils se trouvaient. Et lorsque l’empereur eut appris d’eux la vie et les miracles du saint, il leur dit : « Allez et remerciez Dieu, qui vous a sauvés sur la prière de ce Nicolas ! Mais rendez-lui compte de ma conduite, et portez-lui des présents de ma part ; et demandez-lui qu’il ne me fasse plus de menaces, mais qu’il prie Dieu pour moi et pour mon empire ! » L’empereur les chargea même de très riches présents pour saint Nicolas, afin qu’ils lui témoignassent par là leur reconnaissance de ce qu’il les avait délivrés de la mort. Ces présents furent un livre des Evangiles écrit en lettres d’or, un encensoir d’or massif et enrichi de pierreries, deux chandeliers d’or et des gants brodés d’or pour la messe pontificale. Cette épisode explique pourquoi ceux qui sont faussement accusés ont recours à la protection de saint Nicolas.


Extrait du site La France pitoresque : http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article939